Ce texte est adapté du guide pédagogique Enseigner l’Holocauste. Guide de soutien aux enseignants, conçu et rédigé par Sabrina Moisan (Université de Sherbrooke) et Sivane Hirsch, avec la collaboration de Cornélia Strickler, coordonnatrice éducation, Musée de l’Holocauste Montréal
1 - Engager les élèves émotionnellement :
Si cet engagement émotionnel est essentiel pour intéresser les élèves, il importe de le faire en personnalisant l’événement par l’usage des témoignages écrits ou verbaux des personnes ayant été témoins des événements.
Obstacle :
La pédagogie de l’extrême. Les photographies des corps empilés ou des sévices subis risquent de troubler les élèves. Un niveau trop élevé d’émotions empêche de réfléchir et d’apprendre.
2 - Encourager les élèves à tirer eux-mêmes les leçons :
Apprendre sur les génocides permet de tirer diverses leçons sur la condition humaine, la vie en société pluraliste et les systèmes de justice, notamment. L’étude de ces mécanismes et des questions éthiques permettront d’outiller les élèves, pour qu’ils comprennent comment et pourquoi l’événement s’est produit. Ils tireront des leçons eux-mêmes.
Obstacle :
Prendre une approche moralisatrice ou la répétition de slogans (Plus jamais ça!). Éviter de servir des leçons de morale toutes faites aux élèves.
3 - La démocratie ne protège pas de tout :
Si certains génocides se sont déroulés dans des contextes non démocratiques (ex. : l’Empire ottoman, le régime soviétique ou encore l’Allemagne d’avant la 1re Guerre mondiale), d’autres (comme l’Holocauste ou la Bosnie) se sont produits dans des sociétés démocratiques (bien que fragiles).
Obstacle :
Présenter les génocides comme étant l’antithèse de notre réalité actuelle, sur les plans moral et politique : dans des situations démocratiques contemporaines, le risque qu’un génocide se produise aujourd’hui existe.
4 - Réfléchir sur la portée de l’événement aujourd’hui :
Viser un travail de mémoire, qui est un projet permettant aux élèves de développer un regard critique sur le souvenir qu’on garde des événements, en répondant aux questions suivantes : Pourquoi parle-t-on encore de cet événement aujourd’hui? Qui en parle et pourquoi? Les réponses à ces questions sont multiples, selon le contexte ou les cas analysés.
Obstacle :
Insister sur un devoir de mémoire plutôt que sur un travail de mémoire. Les injonctions du type « Plus jamais ça ! », bien que louables, sont insuffisantes en éducation. Il est nécessaire que les élèves soient amenés à comprendre l’événement historique, son sens et sa complexité.
5 - Présenter le système derrière le génocide :
Tout un système et des milliers de gens ont contribué à organiser et à perpétrer le génocide, pas seulement les autorités politiques ou militaires.
Obstacle :
Focaliser uniquement sur le rôle d’un leader politique pour expliquer le génocide. Bien que ces leaders jouent toujours un rôle important dans la promotion de la haine de l’autre, il est faux d’affirmer que le génocide repose sur leurs seules épaules.
6 - Expliquer l’idéologie génocidaire :
Focaliser sur une explication des fondements de l’idéologie raciste, des différentes manières dont elle a été mise en application et des impacts qu’elle a eus, concrètement, sur la vie en société pour les victimes et pour les témoins du génocide.
Obstacle :
Se concentrer sur les statistiques et les moyens techniques du génocide. Faire état du nombre de victimes ou du pourcentage des morts par pays et présenter les aspects « pratiques » du génocide sont des moyens pédagogiques peu utiles, si
l’on souhaite que les élèves comprennent l’événement. À eux seuls, ils n’expliquent rien et provoquent même parfois l’indifférence des élèves, qui peinent à s’imaginer ce que peut bien représenter le nombre important de morts. Cela peut aussi amener une comparaison douteuse entre les génocides selon le nombre de morts ou la cruauté des génocidaires.
7 - Donner la parole aux différents acteurs :
Des milliers de témoignages écrits et oraux – de génocidaires, de leurs victimes, de témoins – existent. Certains survivants de génocides plus récents se rendent dans les écoles pour raconter leur histoire. Ces récits peuvent également être reconstitués par l’analyse de documents écrits ou iconographiques. En engageant les élèves dans une histoire présentant les effets des génocides sur la vie de gens ordinaires, ils comprennent les bouleversements engendrés par la perte des droits civiques, ils comprennent ce qu’ont dû vivre les victimes pour rester en vie ou avant d’être assassinées.
Obstacle :
Présenter les « deux côtés de la médaille ». Bien que plusieurs acteurs soient concernés, l’enseignement sur les génocides ne peut légitimer toutes les visions de l’événement. Ainsi, il faut éviter de présenter les « avantages » ou les côtés positifs d’un génocide pour certains groupes concernés.
8 - Le phénomène génocidaire (et chacun des génocides) peut être expliqué :
Les différents génocides, malgré leurs spécificités, peuvent être expliqués en tant que phénomène plus général. La comparaison peut se faire, mais doit se faire dans le respect des caractéristiques et des contextes des événements comparés. Il n’est pas question, par exemple, de comparer les souffrances.
Chaque vie humaine perdue est une tragédie.
Obstacle :
Sacraliser. Le refus de comparer un génocide à d’autres événements du même type sous prétexte qu’il est unique ne permet pas de comprendre ce phénomène, qui n’est malheureusement pas unique dans l’histoire.
9 - Comparer différents génocides :
La comparaison entre les génocides doit permettre d’en comprendre le processus, de même que les similitudes et les différences entre les événements comparés.
Obstacle :
Banaliser l’événement. Toute atteinte aux droits de la personne n’est pas un génocide et l’usage du mot pour tout événement tragique est inadéquat. L’intimidation à l’école a très peu à voir avec le phénomène génocidaire. De la même manière, la comparaison entre les génocides, qui peut être un outil pédagogique fort pertinent, ne l’est plus s’il s’agit de simplement comparer les mécaniques génocidaires et le nombre de victimes.
10 - Simplifier sans perdre l’essentiel :
Il est nécessaire de simplifier les événements historiques pour les enseigner. Le guide pédagogique que nous vous proposons permet de passer par une démarche essentielle : définir le génocide, cerner le
contexte de l’époque et l’idéologie qui permet de le mettre en place; étudier les six étapes d’un génocide permet d’outiller les élèves en leur donnant une grille d’analyse des faits qui peut être utile au quotidien; s’arrêter sur les enjeux de racisme, de prévention et de justice permet d’actualiser ces connaissances
et de prendre part à la délibération sociale de
manière informée et critique.
Obstacle :
Sursimplifier.